Lorsque nous nous arrêtons et ramenons notre esprit à notre corps, nous pouvons être attentifs à tout ce qui se passe dans le moment présent. Nous nommons cet état la pleine conscience. Être en état de pleine conscience signifie être là, entièrement présent, entièrement vivant, débarrassé des pensées sur le passé et l’avenir, de nos soucis de nos projets.

Pour moi, l’idée selon laquelle faire la vaisselle est une corvée n’est juste que pour celui qui n’est pas en train de la faire. Une fois que vous êtes debout devant l’évier, les manches retroussées et les mains dans l’eau chaude, c’est vraiment très agréable. J’aime prendre le temps de laver chaque assiette, d’être pleinement conscient de chaque plat, de l’eau et du mouvement de mes mains. Je sais que si je me dépêche pour manger mon dessert plus vite, le temps passé à laver la vaisselle sera désagréable et ne vaudra pas la peine d’être vécu. Ce serait dommage, car chaque minute, chaque petit bout de vie est un miracle. Les assiettes elles-mêmes et le fait que je suis ici en train de la laver sont un miracle !
Si je suis incapable de laver la vaisselle dans la joie, si je veux finir plus vite pour pouvoir aller manger mon dessert, je ne profiterai pas de mon dessert non plus. La fourchette à la main, je penserai à ce que je fais faire ensuite. La texture et la saveur du dessert, tout comme le plaisir de la dégustation, tout sera perdu.
Je dois avouer que je mets un peu de temps à faire la vaisselle. Mais je vis pleinement chaque moment et je suis heureux. Laver la vaisselle est à la fois un moyen et une fin — c’est-à-dire qu’on ne lave pas seulement la vaisselle pour avoir des assiettes propres, mais aussi juste pour laver la vaisselle, pour vivre pleinement chaque instant où on lave la vaisselle.
Méditer en marchant peut être très agréable. On marche doucement, seul ou avec des amis. Méditer en marchant, c’est profiter vraiment de la promenade — on marche non pas pour arriver, mais juste pour marcher. Le but est d’être présent dans l’instant, conscient de sa respiration et de sa marche en goutant chaque pas. Il faut se débarrasser de tous les soucis et de toutes les angoisses : ne penser ni au passé ni au futur, juste profiter du moment présent. On marche, on fait des pas comme si on était la personne la plus heureuse sur Terre.

Les fondations du bonheur passent par la pleine conscience. La condition première pour être heureux, c’est d’avoir conscience d’être heureux. Si nous n’avons pas conscience que nous sommes heureux, nous ne sommes pas vraiment heureux. Quand on a mal aux dents, on se dit que ne pas avoir mal aux dents doit être une chose merveilleuse. Mais quand on n’a plus mal aux dents, on n’est toujours pas heureux ! L’absence de mal de dents, c’est vraiment très agréable. Il y a tant de choses dont on peut jouir. Quand on pratique la pleine conscience, on arrive à chérir ces choses et à apprendre à les protéger. En prenant soin du moment présent, on prend soin du futur. Travailler pour la paix future, c’est travailler pour la paix au moment présent.
Thich Nhat Hanh
